L'INVITE / Hwang Sok-Yong : Conseil de Lecture
L’invité / HWANG Sok-Yong.- Paris : Seuil, Points, 2010. (cote :
895.7 HWA).
Ryu Yosop est un pasteur protestant coréen qui vit aux Etats-Unis. Il est originaire de la province du Hwanghae, en Corée du Nord, qu’il a fuit avec une partie de sa famille pendant la Guerre de Corée (1950-1953). Province natale où il n’a jamais pu retourner depuis. Ryu Yosop vit dans la même ville que son frère aîné Ryu Yohan. Celui-ci s’est tristement illustré dans la cruauté et la sauvagerie de la lutte anti-communiste pendant les mois de ce qu’il faut bien appeler une guerre civile, qui ont précédé la guerre proprement dite. Cette guerre civile a opposé, dans la province du Hwanghae, les propriétaires terriens, dont certains s’étaient enrichis pendant la colonisation japonaise, organisée en associations/milices protestantes très ferventes, aux ouvriers agricoles et autres journaliers, qui avaient massivement rejoint les organisations communistes, séduits qu’ils étaient par le programme de réforme agraire et de justice sociale proposé par le parti.
Ryu Yosop est un pasteur protestant coréen qui vit aux Etats-Unis. Il est originaire de la province du Hwanghae, en Corée du Nord, qu’il a fuit avec une partie de sa famille pendant la Guerre de Corée (1950-1953). Province natale où il n’a jamais pu retourner depuis. Ryu Yosop vit dans la même ville que son frère aîné Ryu Yohan. Celui-ci s’est tristement illustré dans la cruauté et la sauvagerie de la lutte anti-communiste pendant les mois de ce qu’il faut bien appeler une guerre civile, qui ont précédé la guerre proprement dite. Cette guerre civile a opposé, dans la province du Hwanghae, les propriétaires terriens, dont certains s’étaient enrichis pendant la colonisation japonaise, organisée en associations/milices protestantes très ferventes, aux ouvriers agricoles et autres journaliers, qui avaient massivement rejoint les organisations communistes, séduits qu’ils étaient par le programme de réforme agraire et de justice sociale proposé par le parti.
Ryu Yosop s’apprête à partir, pour la première fois depuis presque 50 ans, en Corée du Nord, grâce à un programme spécialement mis en place par ce pays destiné à des nationaux vivants aux Etats-Unis. Depuis quelques temps, lui et son frère sont hantés par des fantômes de leur jeunesse, ceux qui sont morts là-bas, amis ou ennemis, et qui ne peuvent s’éloigner du monde des vivants pour le repos éternel tant que leur âme n’aura pas été apaisée. Quelques jours avant le départ de Ryu Yosop, son frère décède.
Arrivé à Pyongyang, et après avoir subi la pesante propagande du régime, chaque visiteur de ce programme de visite pourra retrouver les membres de sa famille encore vivants, s’il en reste, et aller les voir.
Concernant Ryu Yosop, dès qu’il foule le sol nord-coréen et à mesure qu’il se rapproche de son village natal, les apparitions des fantômes sont de plus en plus fréquentes et longues. Chacun, bourreau ou victime, raconte comment il est mort, ce qui nous permet de revenir dans le détail et toute l’horreur de l’époque (massacres des adversaires et de leurs familles, pogroms, tortures…). A mesure que le récit avance, le lecteur est pris dans une tension croissante, les vivants et les morts parlent alternativement.
Les tueries de l’époque opposèrent des personnes qui se fréquentaient parfois depuis l’enfance : l’employé, le patron, le voisin, l’ami d’enfance, le beau-frère, l’institutrice, celui du village d’à côté… tous étaient devenus, comme en proie à une folie collective et soudaine, des ennemis mortels.
Le récit est bâti comme un rituel chamanique, selon les 12 parties de ce rituel. Le but d’un rituel chamanique est de soigner les vivants en apaisant l’âme des morts qui ne peuvent partir vers l’au-delà car justice ne leur a pas été rendue (un bon enterrement, un enterrement au bon endroit, ou le fait que l’injustice dont ils ont été victimes n’ai toujours pas été reconnue), c’est pourquoi ils hantent les vivants et les tourmentent. Aussi, Ryu Yosop ne pourra-t-il enterrer un os de son frère (le frère aîné est celui qui perpétue la lignée) dans le pays natal, le faisant ainsi prendre place au sein de la lignée des ancêtres, qu’une fois apaisée l’âme de ses victimes.
Originalité de la construction, force poignante du récit, véritable livre des morts, métaphore sur une unité coréenne qui ne peut exister que si la société retrouve ses racines et puisse ainsi retrouver l’harmonie face aux forces de divisions que portent les idéologies importées (communisme, protestantisme), l’apaisement plutôt que le jugement… Ce «chef d’œuvre thaumaturge» vous marquera à jamais.
(c) Alain Antil (Chercheur à l'IFRI, chargé de cours à l'ISTOM), le 05/09/2017
Quelques mots sur l'auteur : Hwang Sok-Yong est né en 1943, c’est
l’un des plus grands écrivains coréens, il a notamment écrit Monsieur Han et La route de Sampo. Très engagé
politiquement, il a été contraint à l’exil puis à la prison en Corée du Sud car
il s’est rendu en Corée du Nord, ce qui était à l’époque strictement interdit
par la loi.
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