LA CHAMBRE SOLITAIRE / SHIN Kyung-Suk : Conseil de Lecture de l'ISTOM
La chambre solitaire / SHIN Kyung-Suk. Picquier Poche, 2010, 400 p. (Disponible dans le fonds documentaire de l'ISTOM, Cote : 895.7 SHI).
Ce livre est une belle porte d’entrée dans la littérature coréenne. Il s’inscrit une veine sociale, se réclamant de la filiation directe du chef d’œuvre de CHO Se-Hui La petite balle lancée par un nain (œuvre phare des années 70 dans lequel le nanisme du héros est la métaphore d’un nanisme social. La figure du nain représente la classe ouvrière déracinée et écrasée dans cette Corée du Sud en plein miracle économique).
La chambre solitaire relate à la première personne une période douloureuse de la vie de l’écrivain. Issue d’une famille rurale nombreuse, elle est obligée, pour pouvoir aller au lycée, d’aller à Séoul et de travailler en usine le jour pour pouvoir suivre des cours dans un lycée le soir. De cette période harassante, elle se souvient à la fois de la "honte de classe" qu’elle pouvait ressentir mais aussi de certains petit bonheurs quotidiens.
La narration est originale, elle se déroule sur deux plans temporels différents : les années de lycée et la période où, 15 années plus tard, l’écrivain se décide à écrire sur cette période longtemps refoulée. Ces deux temporalités sont enchevêtrées et se répondent en donnant une grande profondeur psychologique au récit. Ce dialogue entre l’écrivain écrivant et la lycéenne honteuse et exploitée dans son usine est d’autant plus original grâce à une vrai trouvaille. L’ouvrage étant initialement sorti dans une revue, sous forme de feuilleton, Shin Kyung-Suk reçoit des appels et des lettres qui réagissent aux épisodes déjà publiés. Cette idée, loin d’alourdir le récit, lui donne en fait une épaisseur temporelle supplémentaire.
Le dispositif narratif, qui pourrait conduire à une écriture égotiste, produit au contraire une puissante conscience sociale et historique. L’âge du lycée se déroule en effet au tournant des années 70 et 80, à la fin du régime de Park Chung-Hee, au coup d’Etat de Chun Doo-Hwan et au massacre de Kwangju. La description de la vie quotidienne restitue les transformations rapides de la société coréenne (compétition scolaire féroce, évolution de la structure familiale, place des filles dans le dispositif productif, urbanisation rapide, industrialisation et ses effets écologiques et sociaux, combats syndicaux difficiles…).
La narration est portée par une écriture simple, «naïve», poétique, bouleversante. Le monde est vu à travers l’émotion et la délicatesse de cette adolescente, dont la vie est difficile mais qui vit pourtant entourée de son frère et d’une cousine, c’est un personnage médian dont le sort est bien plus enviable que celui de beaucoup de ses collègues d’usine et de lycée.
Au total, c’est un récit d’une beauté rare sur les ravages sociaux et politiques d’une industrialisation à marche forcée.
La chambre solitaire relate à la première personne une période douloureuse de la vie de l’écrivain. Issue d’une famille rurale nombreuse, elle est obligée, pour pouvoir aller au lycée, d’aller à Séoul et de travailler en usine le jour pour pouvoir suivre des cours dans un lycée le soir. De cette période harassante, elle se souvient à la fois de la "honte de classe" qu’elle pouvait ressentir mais aussi de certains petit bonheurs quotidiens.
La narration est originale, elle se déroule sur deux plans temporels différents : les années de lycée et la période où, 15 années plus tard, l’écrivain se décide à écrire sur cette période longtemps refoulée. Ces deux temporalités sont enchevêtrées et se répondent en donnant une grande profondeur psychologique au récit. Ce dialogue entre l’écrivain écrivant et la lycéenne honteuse et exploitée dans son usine est d’autant plus original grâce à une vrai trouvaille. L’ouvrage étant initialement sorti dans une revue, sous forme de feuilleton, Shin Kyung-Suk reçoit des appels et des lettres qui réagissent aux épisodes déjà publiés. Cette idée, loin d’alourdir le récit, lui donne en fait une épaisseur temporelle supplémentaire.
Le dispositif narratif, qui pourrait conduire à une écriture égotiste, produit au contraire une puissante conscience sociale et historique. L’âge du lycée se déroule en effet au tournant des années 70 et 80, à la fin du régime de Park Chung-Hee, au coup d’Etat de Chun Doo-Hwan et au massacre de Kwangju. La description de la vie quotidienne restitue les transformations rapides de la société coréenne (compétition scolaire féroce, évolution de la structure familiale, place des filles dans le dispositif productif, urbanisation rapide, industrialisation et ses effets écologiques et sociaux, combats syndicaux difficiles…).
La narration est portée par une écriture simple, «naïve», poétique, bouleversante. Le monde est vu à travers l’émotion et la délicatesse de cette adolescente, dont la vie est difficile mais qui vit pourtant entourée de son frère et d’une cousine, c’est un personnage médian dont le sort est bien plus enviable que celui de beaucoup de ses collègues d’usine et de lycée.
Au total, c’est un récit d’une beauté rare sur les ravages sociaux et politiques d’une industrialisation à marche forcée.
(c) Alain Antil (Chercheur à l'IFRI, chargé de cours à l'ISTOM), 11/06/2018
Quelques mots sur l'auteur : SHIN Kyung-Suk est née en 1963, c’est une romancière coréenne qui a publié une dizaine d’ouvrages.
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