A TOI / Julie Delargille
Concours littéraire Bibliothèque ISTOM 2014 - Catégorie Lettre - 1er Prix.
A toi / Julie Delargille.
Un jour, quelque part.
Ma très chère, mon
odeur, ma vie,
Comment pourrais-je t’oublier ?
Toi avec qui je partage ma vie, toi qui as su me recueillir quand plus personne
ne voulait de moi, toi qui as su m’accueillir quand je n’avais plus rien.
Plus de famille, plus d’amis,
plus de travail, presque plus d’humanité.
Toi, tu as su m’ouvrir tes bras.
J’ai appris à dompter ton caractère parfois si farouche. J’ai apprivoisé tes
codes pour mieux t’écouter. Et aujourd’hui, nous voilà réunis, certainement pour
la vie.
Certains essayent de m’arracher à
toi pour mon bien disent-ils. Mais sont-ils à ma place ? Qui sont-ils pour
savoir ce qui est bon pour moi ? Ne se disent-ils pas qu’avec toi, je peux être
heureux ? Que c’est à tes côtés que je veux avancer ? Qui sont-ils pour nous
juger, pour juger de notre destin ?
Tu es tellement pour moi, mon
repère, mon atmosphère, mon trésor,…
Pour certains, tu n’es qu’un
passage, ils ne te regardent même pas, ne te respectent même pas, ils te
salissent ! Ils ne voient ni ta beauté, ni tous les trésors que tu caches.
Moi, je te connais par cœur ! Je
connais ton odeur, ta douceur, tes moindres expressions. Je connais parfaitement
ton visage, ton teint qui change au gré des saisons, tes rides qui s’accentuent
avec le temps. Je connais les secrets que tu gardes. Je te connais mieux que personne,
tu es mon quotidien. Il ne se passe pas un jour, pas une minute, pas une
seconde sans que je sois à tes côtés.
Pourtant tout ne fut pas si
simple. Je t’avoue qu’au départ, c’est par obligation que je me suis tourné
vers toi. Tu étais si inconnue ; et si connue à la fois, chaque jour, je te
côtoyais, mais pas de cette façon-là. Je ne connaissais pas tes lois, tes
coutumes, tes traditions. Nos premières nuits ensemble furent les pires pour
moi. Il me fallait être vigilant à tes moindres faits et gestes telle une proie
qui guette ses prédateurs. J’ai dû lutter contre le froid, la fatigue, la peur et
l’intimidation de tes autres prétendants qui te convoitent chaque jour. Ah, ce
fut loin d’être simple !!! Mais je me suis battu pour toi, j’ai tout donné pour
toi. Et aujourd’hui grâce à toi, je me suis forgé un caractère impitoyable,
celui qui me permet de survivre aujourd’hui et de continuer à avancer à tes
cotés.
Malgré ces difficultés, tu t’es
imposée à moi comme une évidence, celle contre laquelle on ne peut pas lutter.
Nous étions faits pour être ensemble, c’était comme ça. J’ai tout quitté pour toi,
ma famille, mes amis, ma dignité. Vivre à tes côtés est rarement un choix au
début, mais s’habituer à toi est tellement facile, qu’en peu de temps tu
deviens notre moitié. Certains arrivent pourtant à te résister. Je les admire
car ton emprise est si grande, que le peu de fois ou j’ai voulu te quitter,
m’extraire de ton amour si destructeur, il n’a fallu que quelques jours, pour
que je revienne au grand galop. Tu es mon oxygène, le sang qui coule dans mes
veines, tu es comme une drogue, comme une maladie. Personne ne peut m’arracher
à toi. Tu es ancrée en moi, tatouée en moi. Et jamais, je ne t’abandonnerai.
Si je t’écris aujourd’hui, c’est
pour te rendre hommage à toi qui partages ma vie, toi avec qui je dors tous les
soirs, et je rôde tous les jours. Toi qui acceptes de partager ta vie avec tant
de personnes qui n’ont plus rien. Toi qui offres à chacun de nous, une part de
réconfort. Merci à toi, la rue, de m’avoir ouvert tes bras.
L’Être à la rue.
(1er Prix Catégorie Lettre, concours Littéraire Bibliothèque ISTOM 2014)